REFONTE DU SYSTÈME DE RETRAITE : DES AMÉNAGEMENTS SONT NÉCESSAIRES POUR RÉDUIRE EFFICACEMENT LES INÉGALITÉS ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Le Laboratoire de l’Égalité réitère son engagement à ce que la refonte du système de retraite supprime les dispositions défavorables aux femmes dont les pensions de droits directs sont en moyenne inférieures de 42% à celles des hommes. Le Gouvernement a réaffirmé la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes comme l’un des objectifs prioritaires : cette volonté est essentielle. Elle est confirmée par certaines propositions, mais de nombreux points d’incertitude et d’inquiétude demeurent.
Le Laboratoire de l’Égalité considère que l’instauration d’une retraite minimum de 1 000 € est un moyen efficace pour lutter contre la précarité des femmes et des familles aux revenus modestes. Des inquiétudes demeurent toutefois sur le fait que ce minimum ne soit prévu que pour les carrières complètes : les femmes sont surreprésentées parmi les travailleurs et travailleuses aux carrières incomplètes.
Globalement, le passage des 25 meilleures années à la prise en compte de la carrière complète pose la question de l’impact pour les femmes. Si certains mécanismes de compensation sont prévus, on peut se demander s’ils seront suffisants.
Le Laboratoire de l’Égalité estime notamment que trois des dispositions annoncées par le Premier Ministre doivent être repensées.
- La compensation de pension de 5% par enfant ouverte dès le premier enfant, présente l’avantage de mieux cibler les familles plus petites et monoparentales (nouveaux foyers de pauvreté qui sont généralement composés d’un ou deux enfants). Néanmoins, le délai de 4 ans après la naissance de l’enfant avant lequel le choix de l’attribution entre les deux parents devrait être effectué est prématuré, car il intervient trop tôt par rapport aux décisions concernant la retraite. Ensuite, cette majoration étant proportionnelle aux pensions de retraite, cette disposition reste inégalitaire comme dans l’ancien système, car elle bénéficie davantage aux pères. Le Laboratoire de l’Égalité suggère donc de mettre en place une majoration forfaitaire, plus simple et plus équitable.
- La majoration de la durée d’assurance était liée à l’incidence de la maternité sur la vie professionnelle des femmes et au temps passé par les parents à l’éducation des enfants. Dans le nouveau système elle serait supprimée. Il est prévu que pendant la période de congé maternité des points supplémentaires soient attribués aux mères sur la base de l’année précédente. Cela n’est pas suffisant comparé aux 4 trimestres supplémentaires actuellement accordés. Des questions se posent aussi par rapport à l’impact des ruptures de carrière actuellement compensés par 4 autres trimestres supplémentaires. Il faudrait préciser l’attribution et le poids de points supplémentaires liés aux réductions ou interruptions d’activité pour l’éducation des enfants.
- Les pensions de réversion représentent en moyenne le quart de la pension des femmes et constitue un levier efficace de réduction de l’écart moyen des pensions entre les femmes et les hommes. Le projet de refonte prévoit de maintenir 70% du niveau de vie du couple à la retraite, à la personne survivante. Le recul de 55 à 62 ans ou plus pour l’ouverture des droits à la pension de réversion va réduire les ressources des veuves qui ne sont pas encore à la retraite.
De plus, la suppression des pensions de réversion pour les femmes divorcées va les priver de ressources encore nécessaires pour garantir dans de nombreux cas leur indépendance financière.
Au-delà de ces trois points majeurs, le Laboratoire de l’Égalité suggère d’enrichir le dispositif prévu par des mesures complémentaires qui contribueraient à impliquer davantage les employeurs dans la réduction des inégalités femmes-hommes :
- Encourager les entreprises à mettre en place un système de cotisation à temps plein au profit des personnes travaillant à temps partiel (dont 82% sont des femmes)
- Instaurer une information obligatoire des salarié.es qui exposera les conséquences sur leur retraite des différentes décisions de réduction du temps de travail (de congé sans solde, congé parental, temps partiel…)
Le Laboratoire de l’Égalité souhaite que la parité soit obligatoire dans les nouvelles instances qui vont régir le nouveau système universel de retraite. Pendant toute la période de transition entre le système actuel et le dispositif à venir, les associations engagées au service de l’égalité femmes-hommes, devront être aussi étroitement associées à la gouvernance du projet.
Le Laboratoire de l’Égalité attend donc que ces sujets soient précisés le plus rapidement possible. Des études d’impact de l’incidence de la refonte doivent clairement être établies. Ces dernières doivent prouver que le projet de refonte du système actuel réduit effectivement les inégalités de retraite qui s’élèvent aujourd’hui à 800 euros de moins par mois en moyenne pour les femmes.
Il apparaît enfin primordial pour le Laboratoire de l’Egalité qu’un travail sur les inégalités professionnelles soit également réalisé en parallèle de la refonte du système des retraites. En effet, les inégalités observées ne sont pas uniquement liées à la conception du système de retraite en lui-même. La retraite se révèle être un miroir grossissant des inégalités qui frappent les femmes actives bien en amont.
Le Laboratoire de l’Égalité reste dans l’attente de la loi sur l’émancipation économique des femmes qui doit être présentée en 2020.