ORDONNANCES MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL : UNE RÉGRESSION POUR L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES ?
Alors que le président de la République a promis de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, le Laboratoire de l’Égalité s’interroge sur les conséquences des nouvelles ordonnances sur l’égalité entre les femmes et les hommes : « Les négociations sur l’égalité professionnelle disposent aujourd’hui d’un cadre, que ces ordonnances semblent transformer en labyrinthe ». Les garanties qu’elles proposent en la matière manquent aujourd’hui de clarté.
Des accords d’entreprises risquent de primer sur les accords de branche
Le Laboratoire de l’Egalité, s’il prend note que l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fait partie des 11 thématiques pour lesquelles les accords d’entreprise ne pourront pas être moins favorables que les accords de branche, craint néanmoins que, sur la thématique des droits familiaux et des congés exceptionnels, les accords d’entreprises puissent désormais primer sur les accords de branche. Cela signifie qu’en matière de rémunération des congés parentaux ou de congés pour enfants malades (pris en grande majorité par les femmes), d’aménagement de poste pour les femmes enceintes, d’allongement du congé maternité… les salarié.e.s qui bénéficient actuellement de conditions plus favorables que ce qui est imposé par la loi, pourront à l’avenir perdre leurs avantages par accord d’entreprise.
Des inquiétudes sur l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale
Le Laboratoire de l’Égalité s’inquiète que l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salarié.e.s – et surtout des femmes, les premières concernées – ne soit plus suffisamment garantie. Ainsi, la flexibilité du travail facilitée par ces ordonnances, notamment en cas de « nécessité pour le fonctionnement de l’entreprise », peut s’avérer plus préjudiciable pour les femmes, en aggravant les inégalités face à l’articulation des temps de vie et à la précarité.
Une possible régression en matière de régularité des négociations obligatoires sur l’égalité professionnelle
Le Laboratoire de l’Égalité s’interroge également sur l’avenir des négociations obligatoires sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ces règles figurent désormais dans le cadre des « dispositions supplétives ». Ce qui laisse la porte ouverte à la signature d’accords a minima dans les entreprises, et à la tenue de négociations tous les 4 ans seulement, contre un an aujourd’hui pour les négociations sur l’égalité salariale. Le Laboratoire de l’Égalité souhaite une réécriture de l’ordonnance n°1 pour éviter toute régression par rapport aux négociations actuelles.
Un obstacle aux comparaisons nationales et à l’évaluation des politiques publiques
En outre, le Laboratoire de l’Égalité considère comme une régression la liberté laissée aux négociateur.e.s du nouveau Comité social et économique de l’entreprise de choisir les critères sur l’égalité destinés à figurer dans la Base de données qui a remplacé le Rapport de Situation Comparée (RSC). La diversité des choix au niveau local conduira à rendre impossibles les comparaisons nationales et l’évaluation des progrès (ou des reculs) des politiques d’égalité professionnelle. Pour ne pas perdre les avancées acquises grâce à la création du RSC, il est nécessaire d’uniformiser les données recueillies.
Le risque de transformer l’égalité en variable d’ajustement
À cette complexité s’ajoute le risque de transformer l’égalité en variable d’ajustement aux innombrables contextes locaux. Si, à ce jour, 60% des 50 principales branches et 20.000 des entreprises de plus de cinquante salarié.e.s n’ont entrepris aucune négociation en faveur de l’égalité professionnelle, rien dans les ordonnances ne semble devoir les inciter à se mettre en action. Des garde-fous sont indispensables afin que le Code du travail protège et fasse progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les entreprises.
Modifier les ordonnances avant leur adoption
Le président de la République a justifié le recours aux ordonnances en invoquant une nécessaire simplification du Code du travail. Pour ce qui concerne l’égalité professionnelle, les modifications apportées semblent plutôt complexifier les règles existantes. Le Laboratoire de l’Égalité rappelle que toutes réformes engagées par le gouvernement doivent être accompagnées d’une étude d’impact afin de prévenir toute aggravation des inégalités sexuées. Le Laboratoire de l’Égalité demande donc que « des modifications soient apportées à ces ordonnances avant leur adoption en Conseil des ministres, prévue le 25 septembre, puis leur examen par le Parlement. Les évolutions que nous souhaitons permettraient de répondre aux craintes et aux interrogations qu’elles suscitent en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».